dimanche 3 février 2008

Tovaritch Lénine


Deux variations autour d'un même thème : La guerre selon Charlie Wilson et La vie des autres.
Un dvd et les ressorts d'un ciné, pour 2 leçons d’histoire sur le socialo-communisme et dommages collatéraux affiliés. L’un est un point de vue hollywoodien, avec tout le cortège de stars et de leçons de morale du grand capitalisme que cela implique. L’autre est un point de vue germanique, près de 20 ans après la chute du mur.
Et après vision des 2 œuvres, un point à rien pour l’Allemagne.

Commençons par la moins bonne nouvelle.
Charlie est un divertissement qui se voit avec plaisir, mais sans grand enthousiasme.
Tom Hanks incarne un congressman texan (le Charlie en question), et philanthrope new wave : beaucoup de vices sympathiques (la picole et le goût des jolies filles, tous 2 consommés à outrance), mais un « humanisme » qui transcende le côte diablotin.
Au cours de ce que l’on appelera, grosso modo, une orgie (1), Charlie visionne un reportage sur la 1ère guerre en Afghanistan, lors de l’envahissement du pays par l’armée rouge. Il se pique d’intérêt pour le sujet, poussé en cela par Joanne (alias Julia Roberts), une amie de longue date, riche sudiste et mac carthyste sur les bords, et par une visite choc dans les camps de réfugiés afghans au Pakistan. Afin de réunir des fonds pour armer la résistance afghane, Charlie réuni autour de lui sa bande de pieds nickelés : Philipp Seymour Hoffman en agent de la CIA bougon (thumbs up!), Julia Roberts, un agent du Mossad, un politique égyptien (vous noterez l’alliance sensée être « contre-nature »), et de loin, le général Zia en personne (zigouilleur de Bhutto père).
La scène qui tue : Charlie, en mode Tintin au Pakistan, et pas encore aguerri au BA-BA de la diplomatie, est reçu au palais présidentiel par Zia. En réponse au président qui lui demande quelle type d’aide l’état américain pourrait lui fournir (pour contrer l’avancée de l’armée russe en territoire afghan, qui pousse des milliers d’afghans à se réfugier aux frontières pakistanaises), Wilson lui rétorque : « je m’exprime au nom de mes électeurs du 2ème district du Texas, pour vous dire que nous sommes de tout cœur avec vous ».
Ce qui, vous en conviendrez, lui fait une belle jambe !
Après moult péripéties, Charlie réussi à lever des fonds colossaux pour armer les moudjahidins et à bouter du russe hors des frontières afghanes.
Morale de l’histoire : il ne savait pas que c’était impossible, alors il l’a fait.

Ce que je retiendrais le plus de ce film c’est que : Tom Hanks et Seymour Hoffman sont de très bons acteurs, que le vernis rouge sur ongles longs et les rôles de bourgeoises peroxydées ne vont pas bien à Julia Roberts (cette grande fille saine !), que je soutiens mordicus que Hanks s’est inspiré de Larry Haggman (J.R dans Dallas) pour son rôle de texan (même la ressemblance physique en devient frappante), et bien sûr l’histoire du maître zen.
Le caillou qui reste coincé dans ma chaussure c’est le fait d’exagérer le côté « mal absolu » de l’ex bloc russe, de cet espèce d’anti-communisme primaire présent dans le film, face à une Amérique bien pensante, altruiste, et généreuse de ses deniers, en la personne de Charlie Wilson.
Tout cela prend des airs de « La politique étrangère pour les nuls », et en accusant le communisme de sauvagerie, c’est un peu se foutre du monde quand en terme de Vietnam, d’Irak et de soutiens à des états hors-la-loi ou dictatoriaux, on n’a de leçons à donner à personne.


Passons maintenant à la bonne nouvelle : La vie des autres.
Oscar du meilleur film étranger 2007 ( au détriment de Indigènes, mais bon, c’était de bonne guerre) et tout ça et tout ça …Mais ce film est surtout une critique beaucoup plus fine du communisme étatique, et de l’héritage vicié du camarade Lénine.
Une belle analyse de l’âme humaine : personne n’est jamais totalement noir ou totalement blanc.

Le pitch : La RDA vit ses dernières années avant la chute du mur, mais ne le sait pas encore. Pour l’instant, la liberté d’expression se résume à vanter les louanges du socialisme et les fantasmes à passer à l’Ouest … mais la Stasi rôde et cloue les becs des récalcitrants !
Et "Les murs ont des oreilles".
Dans cette ambiance générale on ne peut plus morose, l’écrivain de pièce de théatre Dreyman aime son actrice fétiche, Christa Maria Sieland, qui le lui rend bien. Dreyman fait dans le politiquement correct, ce qui lui vaut de pouvoir jouer ses pièces sans être taquiné par le régime. Le ventripotent ministre de la culture (aaaah la vision de ce slip mou dans la scène de la Volvo !), Hempf, veut l’actrice. En tant que gros ponte de l’Etat, il met Dreyman sur écoute dans l’espoir d’une parole ou d’un événement compromettant qui pourrait servir « ses sombres desseins » (il est des expressions qu’on est obligé d’utiliser).
Pour cela, le plus fin limier de la Stasi, Wiesler, est mis sur le coup. C'est un beau spécimen de psycho-rigide, à la vie tristouille sur mode Trabant-boulot-dodo.
Et c’est là que la plus belle partie du film commence. A force d’espionner Dreyman et sa compagne, Wiesler s’ouvre à un monde qui lui était inconnu : l’esprit critique, la dénonciation des méfaits du régime, l’amour … et cette vie par procuration fait que le bourreau se prend d’affection pour sa victime, et finira par lui sauver la mise.
Pour instaurer l’ambiance des années de plomb est-allemandes, le réalisateur y va à grand renfort de Trabant (la Lada allemande) beigeasses et grisâtres, à l’image des couloirs de la Stasi, et d’anecdotes qui démontrent que les vocations à la Bozzo le clown étaient tuées dans l’œuf.
Tous les personnages qui ne sont pas liés au monde artistique ont des mines austères, à quelques exceptions près, et on finit par se dire que Berlin Est tirait vraiment du sanatorium à ciel ouvert.
Et puis les événements s’enchaînent, et le suspense va crescendo … du coup, on ne parle plus à personne jusqu’à la fin du film ! ;)
Mais là où je donne vraiment ma voix, c’est que l’on évite de tomber dans les clichés d'un Charlie Wilson. Martha Gedeck est d’une classe folle, la chemise blanche entrouverte va beaucoup mieux àSebastian Koch (Dreyman) qu’à BHL, et Ulrich Mühe (Wiesler) ressemble étrangement à Kevin Spacey.
Mais au-delà de ces 3 lignes, tous les acteurs sont excellents, la psychologie des personnages est finement abordée, et tout cela conforte les amateurs de cinéma européen.
Dans un style plus léger traitant de la RDA /post RDA, Goodbye Lénine m’avait vraiment enchanté … mais là, je dis vraiment chapeau, et m’empresse de prêcher la bonne parole autour de moi :)

(1) c’est une orgie grand public hein … càd qu’on voit 2 paires de lolos, la face cachée de T. Hanks 2 secondes, et que tout ça est caché dans les bulles d’un jacuzzi. On est loin des Marc Dorcel Productions … que je n’ai jamais visionné, je tiens à le préciser ici bas !

6 commentaires:

Lato sensu a dit…

Excellent!Mais je ne dis pas pourquoi.

Anonyme a dit…

Des mois que je me dis que je devrais écrire un artcle sur ce bijou, mais c'est toi qui l'a fait et c'est tout aussi bien. vu que j'ai ma flemme légendaire finit toujours par l'emporter, sache que je te dois un article sur control, mais que si tu y tiens alors à toi l'honneur ;)))))))) !!!!!!
en tous merci ma simsim de ce bel article, je sens que mon commentaire va être un peu long...!!!
La vie des autres, un énorme moment de ciné...
Je trouve la performance de "Wiesler" absolument incroyable. j'ai été attérée de découvrir il y a quelques mois qu'il était décédé brutalement d'une maladie foudroyante...
Je n'ai pas pas la guerre selon charlie Wilson et je t'avoue qu'il ne me tente que très moyennement. il y a un moment où il faut arrêter d'essayer de justifier l'injustifiable...
revenons en à la vie des autres, que m'en reste-t-il?
- La couleur du film, qui oscille entre le jaunâtre et le grisâtre sans jamais sombrer ds le cliché du glauque au cinéma
- La performance de wiesler, son sourire énigmatique et sa ressemblance à spacey (que tu as soulignée) que j'adôôôôôre. Ce soldat austère planqué dans les caves et branché à un micro est impitoyable, mais l'écoute lui laisse entrouvrir une porte d'où s'échappent des idées ( a fortiori contestataires); il s'étonne, s'émeut, se laisse toucher par l'art, la beauté, les idées, revoit les siennes, se demande ce que finalement elles valent, s'écoeure des agissements de son propre camp, commence à prendre du plaisir dans son infâme besogne.
- le même doute sur l'intégrité féminine que j'ai ressenti ds "the good german", bien que la vulnérabilité de Christa qui la pousse à la trahison soit "explicable", en aucun cas excusable.
- La dernière scène du film: pas un mot n'est dit, et à raison
- un travail de cinéaste digne des plus grands et doublé de la précision d'un documentaire
- ce talent de florian henckel van boncourageaveclasuitedesonnom de raconter avec bcp d'humanisme une page noire de l'histoire allemande, sans jamais absoudre les anciens soldats de la stasi.

bref, je garde de ce film un souvenir impérissable. c'est mon cru 2007.
Par contre je suis ravie de voir qu'il fait partie de la programmation de nos cinés; enfin un film qui n'est pas un blockbuster bien commercial du pays de l'oncle Sam...
Cela laisse présager le meilleur pour la suite alors!

Anonyme a dit…

L.S, dis toujours voir :)

Zazie, je ne sais pas qui de nous 2 fait les plus longs comments ? :) Allez chiche !
J'aurais aimé voir Control, mais il est encore introuvable pour le moment. Et puis, depuis le temps que tu m'en parles, je te laisse la primeur la plus absolue sur la chronique ... tout de même ! :)
Pour la vie des autres, ça a été un vrai beau gros coup de cœur, je te rejoins là-dessus. Tout comme je te rejoins sur l'impression que nous laisse Wiesler : un peu pitoyable mais on ne peut plus énigmatique.
Le film m'a fait pensé au "logo" du yin et du yang. Tu sais, un point noir dans du blanc, un point blanc dans du noir.

Pour le cru 2008, je rajoute "Dans la vallée d'Elah" (5 étoiles!). Tommy lee jones a regagné des galons dans mon estime (ne pas se fier à la 1ère demi-heure du film), et j'en exclus totalement "Sweeney Todd" (un geyser de sang non-stop, de la kefta, et les pulsions destructrices de Tim Burton exorcisées sur grand écran. Et comme mes pulsions vont très bien merci, ça m'a vraiment fait l'effet le plus bof possible).

Et pour 2007, 4 étoiles tout de même pour My Blueberry nights : Norah Jones s'en sort plutôt pas mal, Jude Law fait un peu son Jude Law mais c'est surtout un très bon acteur (jeu naturel et fluide), pour une fois la très jolie Rachel Weisz passe du lisse au glam, et Natalie Portman (mis à part la scène de strip dans Closer) RAS de spécial. Et puis, l'histoire c'est tout simplement la vie, mais joliement et positivement racontée.
Dans le pipeline, bcp de films à voir et revoir, bcp de bouquins à ingurgiter, mais la vie ne m'en laisse pas tjours le temps :)

Lato sensu a dit…

toujours voir! khé khé! je n'ai plus toutes mes dents pour rigolailler!:)

Anonyme a dit…

tu es un peu dur avec "La guerre selon Charlie ...". Certes, le film manque un peu de souffle et on a l'impression que le scénario est mal exploité. Mais en même temps, sous prétexte de faire une comédie, il raconte comment les grandes décisions politiques se prennent vraiment, c'est à dire rarement comme le cinéma le montre classiquement, avec des mecs réunis dans un bureau et tirant des tronches de 10 km, écrasés par le poid des responsabilités et de l'avenir du monde.

Eh bien, non ! Ca se passe dans des boîtes à touzes, au détour d'une discussion et d'un reportage saisit entre deux pipes, complété par le hasard de quelques rencontres. La vraie vie, quoi! Rien que pour ça, raconter comment ça se passe vraiment, le film vaut le coups.

Couscous Poulette a dit…

Je t'accorde la vision originale de comment "pourraient" naître les décisions politiques de ce monde. Et si les back rooms regorgeaient de politicards en mal d'inspiration ?
Ce film est sympathique et à regarder comme un petit divertissement, mais il est pataud. Presque ttes les décisions se prennent sur fonds de bonnet D ! oua lawah ! Ca ne rajoute rien au schmilblik : oui les Russes ont été une puissance colonisatrice barbare, mais tte force occupante ne se distingue pas particulièremt par un altruisme au top.
Pour moi, Charlie est l'antithèse du bon film historique (trop d'à peu près et de contrevérités :
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-01-15-La-Guerre-selon-Charlie-Wilson).

La vraie vie, c'est du côté de La vie des autres que je l'ai vu : psycho-sociologie mieux travaillée. C'est ptét un film qui incite moins à rire, mais on peut bien arrêter de se taper sur les cuisses 1h30 et vivre le vrai mal communiste de l'intérieur, et non pas cette vision caricaturée de Charlie. La scène des pilotes russes papotant, alors qu'ils s'apprêtaient à bombarder un village afghan, était vraiment de trop !