samedi 16 juin 2007

Quatrains littéraires


Sur 1ère invit’ d’une Zazou, suivie d’une autre par un certain Braindamage, je me vois « forcée » de céder à la pression populaire, et avec plaisir :)
Questionnaire de Procuste … en d’autres termes, quelles sont les quatrains littéraires qui m’ont bercé, ceux qui trônent actuellement sur ma table de chevet, ou enfin, ceux que mes doigts feuilletteront dans un futur plus ou moins proche, tandis que j’adopterais ma pause mauresque favorite (cf héroïnes des tableaux orientalistes). Trèves de blabla introductif, voici donc les réponses en bonne et due forme, par packages de 4.

Les quatre livres de mon enfance

- Marcel Pagnol : La gloire de mon père et Le château de ma mère ont signé mon introduction à la lecture. Sans oublier les magnifiques leçons de vie de mon père en fonds sonore, à la lecture intensive de Topaze (ou le réveil des niais).
- Le mystère de la chambre jaune, les Agatha Christie et Cie, n’en déplaise à certains Braindamage de leur ptit nom. Autant de lectures policières qui font qu’aujourd’hui, je suis devenue un de ces êtres détestables avec qui on ne peut pas regarder un film à la Cluedo sans qu’ils vous énoncent toute la liste plausible des assassins. Indice : cherchez toujours la personne la moins évidente (le serviable de service, un déjà mort, le narrateur ...).
- Les manuels scolaires d’Histoire dans lesquels je plongeais dès achats pré-rentrée, notamment les chapitres sur la mythologie grecque. L’amour de l’Histoire m’est resté depuis
- Mafalda … j’adore Mafalda

Les 4 auteurs que je lirai et relirai encore :

- Le Prophète de G. Khalil Gibrane, que d’ailleurs, je picore régulièrement
- Amélie Nothomb : depuis les piques assassines de Hygiène de l’assassin, j’ai régulièrement besoin d’un vaccin de rappel.
- Daniel Pennac : pour la gouaille, pour le Belleville de l’auteur, pour les us et coutumes de la famille Malaussène, pour toutes les expressions trésor qui m’on longtemps trottées dans la tête (« mes cheveux se sont dressés autour de mon cœur », « la vendeuse …a la gentille tête d’un écureuil qui aurait conservé ses noisettes dans ses joues »). L’auteur crée une connivence avec son lecteur qui sourit toutes les 2 pages, un de ces sourires complices qui signifie « ok, j’ai compris ton jeu de mot ».
- Spontanément, j’aurais dis Amine Maalouf, mais ces derniers temps, ses écrits m’ont moins transporté. Alors, je le poignarde frontalement et je vais le tromper allégrement avec Gabriel Garcia Marquez ; d’ailleurs, Mémoires de mes putains tristes n'en peut plus de me faire des appels de phare répétés depuis ma biblio.

Les 4 auteurs que je ne lirai probablement jamais

- BHL (pensée Béchamel comme le relevait si bien une chronique des Inrocks). Il a déjà été cité en réponse, par Label Ash, mais en même temps je le pense
- Les auteurs à écriture prétentieuse, pompeuse, plus les brouteurs de Lexomil, type Virginie Despentes. Ma curiosité pourrait éventuellement me pousser à lire les 10 premières pages, mais au-delà, je fais un blocage féroce sur les écrits qui légitiment les tendances suicidaires d’un certain microcosme lectorale.
- Betty Mahmoudy, auteur de Jamais sans ma fille. Je ne ferais pas gagner le moindre kopek à cette dame. Cet ouvrage a enfoncé le clou d’une image des musulmans en Occident, déjà bancale.
- Arno Klarsfeld : Je n’aime pas ce type. D’ailleurs, il légitime mon dégoût à chaque fois qu’il commet une interview.

Quoique l’excès du terme « jamais » me turlupine. Vous savez, ces histoires de fontaines dont l’eau pourrait être bue un jour …

Les 4 auteurs que je ne lirai probablement PLUS jamais

- Balzac : Moooon dieu cette montée des marches qui n’en finissait plus, dans les 1ères pages de La peau de chagrin.
- Tous les pervers qui ont rédigé les manuels scolaires de physique-chimie, trauma sévère du lycée !
- Agatha Christie : J’en ai fais le tour avant mes 18 ans, pour passer à des lectures plus « nourrissantes ».
- Dan Brown : J’ai lu en catimini le Da Vinci Code et j’ai été déçue. Tout ça pour ça.

Les 4 premiers livres de ma liste à lire ou à relire

- Enfin m’initier à Yasmina Khadra, en commençant par l’Attentat. Ben oui, j'ai un train de retard :)
et relire
- Fatima Mernissi, parce que le Maroc a aussi ses féministes. Et toute douce, par dessus le marché.
- Mon nom est rouge de Orhan Pamuk. Tout ce qui touche à l'Age d'or de l'Islam, je dévore à pleine dents. Ce bouquin a en plus l'avantage de l'originalité de la narration (point de vue de la victime qui git au fonds d'un puit) .
- Marche ou crève, de Stephen King . Je me souviens de 2 stations de bus ratées tellement j’étais immergée dans cette histoire de 100 marathoniens dont il ne restera qu'un. J’aimerais m’assurer qu’il méritait vraiment le souvenir.

Les 4 livres que je suis en train de lire :
- Au bonheur des Ogres : Pennac, toujours un délice
- Le livre noir de Orhan Pamuk (je l’ai démarré il y a … un an, je crois)

Une lecture quadruple ? C’est-y dieu possible ?

Les 4 livres que j’emporterais sur une île déserte :

- Le Prophète
- Tous les Rolling Stone magazine (avec couv’) depuis 1967
- Au choix 10.375 plats à base de noix de coco ou Guide de survie en milieu hostile
- Construction de radeau for dummies
Par honnêteté intellectuelle, je tiens à préciser que j’ai rédigée ceci avant de lire la réponse de Lato Sensu, ce qui en plus de BHL, en doublon avec Label Ash, commence à faire beaucoup. D'où mon questionnement suivant : est-ce une question de références communes ou de hasards ?

Les premiers mots d’un de mes livres préférés

African Psycho de Alain Mabanckou, n'est pas mon livre préféré du tout. C'est mon coup de cœur « jaquette » le plus intense, à la hauteur de ma déception à la lecture de l’ouvrage. Abandon fracassant au bout de 70 pages pour cause de classement dans ce que j’appelle, les lectures masculines : une tonne de sexualité agressive et de références aux premiers émois amoureux adolescents. Bref, ça ne me parle pas.
« J’ai décidé de tuer Germaine le 29 Décembre. J’y songe depuis des semaines parce que, quoi qu’on dise, tuer une personne nécessite une préparation à la fois psychologique et matérielle. Je crois à présent être dans un état d’esprit même si je n’ai pas encore choisi le moyen avec lequel j’accomplirai mon acte. C’est désormais une question de détail.
Je préfère sur ce point pratique me laisser une marge de manœuvre et ajouter ainsi une dose d’improvisation à mon projet.
Non, je ne cherche pas la perfection, et loin de moi cette idée. En réalité, je n’aime pas prendre à la légère ce que j’entreprends, et ce n’est pas un meurtre qui me ferait changer ma façon de concevoir les choses…
»

Les derniers mots d’un de mes livres préférés

Pas de derniers mots en tête. Par contre j’ai adoré cette tirade dans Mr Malaussène, très exactement à la page 329 :
« D'où ça te vient cette religion de l'amour, Benjamin ? Où est-ce que tu l'as chopée, cette vérole rose? Petits cœurs qui puent la fleur ! Ce que tu appelles l'amour...au mieux des appétits ! Au pis, des habitudes ! Dans tous les cas, une mise en scène ! De l'imposture de la séduction jusqu'aux mensonges de la rupture, en passant par les regrets inexprimés et les remords inavouables, rien que des rôles de composition ! De la trouille, des combines, des recettes, la voilà la belle amour !
Cette sale cuisine pour oublier ce qu'on est ! Et remettre la table tous les jours ! Tu nous emmerdes, Mallaussène, avec l'amour ! Changes tes yeux ! Ouvres ta fenêtre ! Offres-toi la télé! Lis le journal ! Apprends la statistique ! Entre en politique ! Travailles ! Et tu nous en reparleras de la belle amour ! ...
»

Je passe donc le bâton du relais aux personnes suivantes, dont les réponses devraient être conformes aux personnages en question :
Le guépard : A force d’insister, il finira par céder (et ça rime !)
P.S : Les Stones sont en concert ce soir au Parc des Princes :(

dimanche 10 juin 2007

Vol au-dessus d'un nid de coucous allemands

Loin des cascades spectaculaires de l’inspecteur Derrick, à reléguer tout au plus à des dimanches pluvieux, la fière Germanie recèle des trésors d’artistes à l’extravagance folle.
Entre un Karl Lagerfeld au phrasé sarcastique magnifique (fan absolue je suis) et une cohorte de mannequins blondes, on trouve quelques personnages qui ont fait de l’extravagance un mode de vie et d’expression.

Le 1er nom qui me vient à l’esprit est Klaus Nomi, puis en me retriturant quelque peu les méninges, jaillissent également un inquiétant Klaus Kinski et une folle punkette Nina Hagen.
Voici un tableau succinct de la dinguerie prussienne.

KLAUS NOMI
Petit Pinocchio extraterrestre, Klaus Nomi était la quintessence de l’esprit Underground new-yorkais (exporté d’Allemagne). Il se devait ainsi de mourir dans des conditions glauques au possible. Au choix, overdose, sida …En l’occurrence, c’est le virus qui aura eu raison de lui.

Ce gay-lurron, aux faux airs du Petit Prince, posait sa tessiture de ténor mix castrat sur des airs de cabarets. Mmmm, de Simple man à Waisting my time, difficile de définir le style Nomi. Androïde du côté vestimentaire, maquillage de geisha, voix d’opéra, être bizarre … tout cela à la fois.
Choriste de Bowie, période Ziggy Stardust, au cours d’un Saturday Night Live d’anthologie, ces 2 doux dingues ne pouvaient que s’entendre. C’est d’ailleurs cette apparition télévisée de 1978 qui propulsera Nomi au rang d’icône. Il n’aura été, cependant, qu’une comète filante étant donné qu’il sera l’un des 1ers cas de stars mortes du Sida, au début des 80s, avec Rock Hudson.
Pour les curieux, vous pouvez essayez de vous procurer « The Nomi Song », le film docu qui lui a été consacré il y a 2 ou 3 ans.




KLAUS KINSKI


L’autre Klaus a ceci de commun avec un Jack Nicholson, qui est que leur visage les prédispose naturellement à des rôles de diablotins ou de carrément siphonnés.
Klaus, qui dans la vie était un peu Shining aussi, a cumulé les rôles de personnages à ne pas croiser dans une impasse déserte, un soir de pleine lune.
Marquis de Sade, Nosferatu, Jack the ripper, il fut tout cela à la fois, et avec une aisance à intégrer le personnage qui en dit long sur le fait que ce n’étaient pas vraiment des rôles de composition.

Les anecdotes sur ses frasques lors des tournages sont sans fin. Son histoire de Haine/Amitié avec le réalisateur Werner Herzog pimentait leurs projets ciné en commun. Les crises de Kinski lors du tournage de « Aguirre » en Amazonie font partie des légendes des making-off, et ont même donné naissance à un docu de Herzog himself, baptisé « Ennemis intimes ». On y voit Klaus, régulièrement la machette à la main, et multipliant les attaques verbales et physiques à l’encontre de Herzog.

Dans cet extrait, on y apprend d'ailleurs que les indiens enrôlés dans le film comme figurants avaient proposé à Herzog de tout simplement liquider la peste Karl.

N’étant pas à une brouille près, il était également fâché avec sa fille, Natassja, pour un passage quelque peu incestueux dans l’une de ses autobiographies.

Hormis l’aura trash de l’individu en question, sa filmographie est plutôt inégale. Il aura aussi bien mixé les œuvres réussies :
- le polar Lautner-ien Mort d’un pourri
- le western spaghetti Sergio Leone-ien Pour quelques dollars de plus
- un petit rôle dans Docteur Jivago
- Jack l’éventreur …..

que les navets retentissants, mais qui avaient l’avantage certain d’être une manne à fric :
- A la poursuite de la Pierre sacrée, un espèce de machin entre « A la poursuite du diamant vert» et « Indiana Jones », qui déjà ne sont pas ce que Hollywwod a produit de plus réussi
- Androïde
- Les poupées sanglantes du Docteur X
- Shangaï Joe

Bon, alors pour le 2ème Klaus, c’est fait !

Nous en arrivons ainsi, lentement mais sûrement, vers la seule représentante féminine de la folle Germanie, dans ce post.


NINA HAGEN


Une vraie Punkette en diable, une rockeuse trash, qui chantait du Janis dans les clubs avant la gloire. D’ailleurs, c’est fou (on reste dans la thématique!) comme toutes les rockeuses underground se réclament de Janis, bien que selon moi, aussi sympathiques me soient elles, aucune n’arrive à la cheville de la Queen of the Bees. Mais laissons là Janis, qui fera mes choux gras dans un post spécial que pour elle.

Nina donc ! Née berlinoise de l’Est dans les 50s, elle se fait expulser manu militari d’Allemagne en Décembre 1976, pour cause de "trop de trash tue le trash". Elle prend un aller simple vers Londres, capitale Rock et Punk s’il en est. Ses potes sur place sont, entre autres, les Sex pistols.

Elle repart en Allemagne, crée un groupe, et sort son 1er album en 1978, sous le nom de Nina Hagen Band. Néanmoins, son album le plus célèbre restera Unbenhagen, écrin du célèbre African Reggae.

Nina a l’avantage certain, sur les 2 autres gugus de ce post, d’être encore parmi nous, bien qu’elle se fasse rare. Et en parlant de rareté, vous trouverez sur ce lien des extraits de concerts et autres apparitions de Nina qui ne font pas partie des images habituelles que l’on connaît d’elle.

Voici pour un tour d'horizon d'une Allemagne déjantée, bien loin des séries ennuyeuses où les soft courses poursuites sont à la gloire de BMW.

Pour la petite histoire, Nina Hagen, mis à part African Reggae, c'est pas ma tasse de thé.

Nina (Hagen), sors de ce corps !


They tried to make me go to rehab ...
... I said No No No

dimanche 3 juin 2007

On a tous quelque chose en nous de Hay Mohammadi

J'ai un air qui me trotte dans la tête depuis une bonne semaine. Je le chantonne à longueur de journée et le décline sous tous les formes : siflotté, susurré, chantonné, tapé sur des djembés de fortune (tableau de bord, bout de table ...).

C'est Allah ya moulana des Nass El Ghiwane, repris en hommage bougif par une jeune marocaine au joli timbre de voix (Nabila Maan). Hit Radio, en bonne représentante de la branchitude ambiante, le passe en boucle. Et pour une fois, je cède à la "tendance" (qui avec le mot "hein" me fait courber le dos et montrer les canines).

Bien entendu, rien n'égale la version originale des Rolling Stones de l'Afrique, et de Hay mohammadi plus précisément. D'ailleurs, en farfouillant dans les dédales du net à la recherche du clip de Allah ya moulana, j'ai déniché ce petit bijou qu'est "Transes", un film- docu sur les Nass El Ghiwane.




On y retrouve les cinq casablancais de choc, notamment sur scène et à travers le morceau El Sinya, qui est ce que l'on pourrait appeler un ciment générationnel : parents et enfants d'aujourd'hui reprennent tous en choeur ce monument national. Roots, comme dirait quelqu'un de ma connaissance.
Au hasard de mes lectures, j'ai appris que cette chanson était un refrain chantonné par un clochard de Hay Mohammadi. Bba Salem, le clodo en question, fredonnait en boucle :

"Ya li ma cheftouni rahmou aalia
Ouana rani mchit , ouana rani m'chit oua el haoul ddani
Oualdia oua h'babi ma skhaou biya
Bahr el ghiwane ma d'kheltou bel3ani !"

Ce qui est tombé dans l'oreille de Batma, qui l'a complété en la version que l'on connaît.

Enfants chéris de mon bitume national de Lalla Casablanca, Larbi Batma, Boujemaa, Omar Sayed, Allal Yalla et Paco ont réussis à apporter jusqu'à nous cet air lancinant des années 70. Reflétant largement l'ambiance sociale du moment, les mélodies du groupe laissent transparaître le profond mal-être d'une jeunesse marocaine qui n'allait pas tarder à être muselée par des années de plomb castratrices.

Et c'est en cela que le film est également marquant. On sent à plein nez le Maroc et ses mouvements sociaux, ses rites, son mélange de cultures africaines, musulmanes, païennes, rurales et citadines, et l'art populaire comme moyen d'exorciser le blues latent.

Les concerts sont des scènes de transes générales, et les Ghiwane sont à l'image de vraies rock stars face à des fans hystériques ! Sauf que dans le cas présent, les midinettes ennamourées sont remplacées, majoritairement, par des moustachus testostéronés à patte d'éph'.

Bref, écouter Nass El Ghiwane me réconcilie avec beaucoup de choses, notamment le fait d'être moi-même d'ici, quoiqu'ayant parfois le sentiment d'être d'ailleurs.
Et j'en apprécie d'autant plus la version de Nabila Maan car elle représente exactement la jeunesse marocaine d'aujourd'hui : les traditions sont là, tatouées dans les subconscients tel un label indélébile ; on reconnaît sa marocanité, voire sa casouité intensive, mais la modernité n'en recule pas moins.

C'est un caftan un peu court, c'est une belgha au pieds d'un jean, c'est une darija batarde, c'est des ptits jeunes tout droit sortis de mangas japonaises ou de BD gothiques attablés dans une mahlaba (croisés hier, sur leur chemin vers L'Boulevard des jeunes) ... c'est le mix de l'ouverture, et c'est ça le Maroc qui m'émeut : une Babel qui se reconnaît en tant que telle.