dimanche 27 avril 2008

La tour infernale

J’ai honte d’en faire même un jeu de mot cinématographique.
Ce post est une pensée émue pour les familles des 55 personnes disparues et des nombreux blessés dans l’incendie de l’usine de Lissasfa (proche banlieue casablancaise).

Un accident qui aurait pu être évité ou des responsabilités à pointer du doigt ?
En lisant les différents articles, certaines phrases clignotent :
« L’issue de secours était fermée, ça c’est sûr », « des barreaux aux fenêtres »
Pour rappel, c’est une usine de fabrication de matelas, donc le risque de propagation du feu est on ne peut plus décuplée. De ce fait, le plus élémentaire des bon sens veut que les possibilités de fuite en cas de sinistre soient possibles.

« Le feu s’est déclaré vers les 10h », « Les pompiers sont arrivés vers 14h ».
Ils seraient venus de Marrakech qu’ils seraient arrivés plus rapidement !
L’urgence de l’intervention face à un sinistre, surtout d'une telle ampleur, me semble également la définition de base du métier. Implication en environnement CSP C/D/E = ground zero !

Cet événement tragique vient malheureusement appuyer le constat qui, déjà, s’était imposé à la suite de l’effondrement de l’immeuble en construction de Kénitra, en Janvier dernier :
Mais qu’est-ce qu’on entend par normes de sécurité dans ce pays ?

A l'horizon du 1er Mai, j'espére que ce triste événement aidera au moins à engranger un vrai débat sur une politique sociale, en amont : droits du travailleurs respectés (notamment dans des environnements à risque), patronat juridiquement mis face à ses responsabilités par un système judiciaire crédible ...

Il y a trop de colères en ce pays, et des démonstrations de plus en plus nombreuses d'un ras le bol grandissant, de manière plus ou moins pacifiques. Est-ce qu'il faut vraiment attendre que la boule de neige grossisse, jusqu'à ne plus pouvoir la maîtriser, pour agir ?

dimanche 20 avril 2008

Carnets de route ou des rêves en bandoulière

Ces derniers temps, beaucoup de road trips ont défilé devant mes mirettes tantôt ébahies, tantôt déçues. Des films qui manquaient à ma soif ciné, jamais étanchée, ou l’un des fruits de la moisson plutôt réussie de ce 1er quadrimestre 2008.
Je ne les aborderais pas tous, mais me pencherais notamment sur ce Croc blanc sans loup qu’est Into the wild.
Rien de nouveau sous les tropiques, Zazie l’ayant déjà croqué sous sa plume, mais le voir enfin a entraîné 2 semaines de doigts qui ne demandaient qu’à courir sur le clavier.

J’ai beaucoup repoussé l’appel de Into the wild, sachant que je ne pourrais pas ne pas le voir … sachant surtout que je l’aimerais ET le détesterais.
Comme tous ces films qui mettent le doigt là où ça fait mal, mais qui en même temps sont bénéfiques justement parce qu’on apprend à reconnaître et faire face à un malaise.
Ne nous voilons pas la face. Ecrire est une démarche solitaire ! Oublions, pour l’instant, l’argument du partage.
Ecrire, c’est, avant tout, s’isoler face à la page blanche, et c’est aimer le faire.
Il faut donc accepter cette part d’ascète ou d’ermite en nous, qu’il convient tout de même de faire cohabiter avec notre animal social, au risque de s’isoler sur une chimérique île déserte.
Rien ne sert d’être aussi extrémiste.
Alex/Christopher a, lui, osé l’extrémisme. Jeune homme encore emporté par la fougue et l’idéalisme, il décide de partir sur les routes d’Amérique, à la recherche de réponses à une question qui, à la base est mal formulée.
Tendre Don Quichotte sans destrier, il part croit-il pour trouver sa vérité, qu’il pense trouver en étant en total communion avec la nature. Une démarche un peu christique, histoire de s’éloigner des marchands du temple (tous ces matérialistes qui s’ignorent) qui ont pervertis le monde.
D’ailleurs, sans vouloir dévoiler la fin du film, son visage amaigri et mangé par une barbe claire dans la dernière scène n’est pas sans faire penser au prophète du christianisme.
Bref, il veut faire peau neuve, et pour cela jette son costume de Christopher Mc Candless pour celui d’Alex Supertramp, un Super vagabond qui rencontrera sur sa route des hippies pas si joyeux, un vieil homme en quête de famille, un Vince Vaughn, gaillard un peu filou égal à lui-même, un bus magique au fin fonds de l’Alaska, et surtout une Mère-Nature qui se révélera bien plus cruelle que le monde des hommes.

Dans ce départ avec one-way ticket, sans le réaliser, ce sont plutôt ses parents qu’il fuit. Est-ce que j’irais jusqu’à dire que ce qui se voulait une quête initiatique n’était finalement qu’une banale fugue ?
Non.
Parce que tellement de messages remue-méninges se bousculent dans cette œuvre, qu’il serait injuste de ma part d’opérer un tel raccourci.
Le plus beau message que je retiendrais de Christopher Mc Candless, c’est cette conclusion magnifique qui s’imposera à lui :

« Happiness only real when shared ».

Les tuiles qui lui tomberont dessus commenceront vraiment à partir du moment où il s’isole, avec plus aucun autre être humain à portée de vue.

Après les très sombres, mais néanmoins très bons, 21 grams et Mystic River, Sean Penn nous promène ici dans une évadée lumineuse. Qui sait, peut-être même nous fera-t-il l’honneur d’un happy end dans 2 ou 3 films !

Mais on ne s’aventure pas toujours, sur les routes, poussé par ses guerres intérieures. Celles qui font rage de par le monde, sont aussi les muses de road trippin sur pellicules.

Aussi, je n’oublie surtout pas le très beau film iranien Le tableau noir, de la réalisatrice Samira Makhmalbaf, récompensé du prix du jury à Cannes, en 2000.
Suite à un bombardement en pleine guerre Iran-Irak, côté Kurdistan iranien, des instituteurs partent sur les routes à la recherche d’élèves.
Leurs imposants tableaux noirs sur le dos, il suivent les convois de civils sur les chemins montagneux et, au gré des rencontres ou des situations, voient leur tableau occuper différentes fonctions : rempart contre les tirs de snippers, porte éphémère pour une chambre de nuit de noces … tout sauf sa fonction première qui devrait être celle d’un vecteur de savoir.
L’Iran de Persépolis est très sympathique mais c’est un Iran bourgeois, un peu le Marock perse.
Dans Le tableau noir, c’est un Iran plus populaire et moins urbain que l’on découvre, sur fonds de survie et d’obligation d’errer sur les routes en évitant les tirs ou de tomber dans le ravin.
Les instits croiseront sur leur route une nuée d’enfants et d'adolescents contrebandiers, un vieil homme analphabète qui demande à ce qu’on lui lise la lettre de son fils, des vieillards … l’un des 2 enseignants s’amourachera même d’une veuve, avec à la clé une scène de drague complètement décalée, où il rame sévèrement en essayant de lui apprendre à écrire Je t’aime.

Sans vouloir faire une opposition bête et méchante entre le noir et le blanc, Le Ballon blanc est aussi une petite merveille du cinéma iranien.
C’est, si l’on n’est pas trop regardant, également une sorte de road tripping. Disons un street tripping, par un petit bout de chou et son frère qui partent acheter un poisson rouge pour la fête du nouvel an perse.
De condition modeste, leur mère leur donne les quelques pièces pour acheter ce poisson, mais leur route pour arriver chez le marchand sera semée d’embûches.
J’ai toujours pensé que le petit garçon dans Kramer vs Kramer était une des plus adorables petite chose que j’avais pu voir sur pellicule. La petite fille du Ballon blanc m’a fait changé d’avis !

Pour clore ces quelques réflexions sur la route, et d’ailleurs qui chantent ou qui pleurent, je vous conseille vivement de jeter un coup d’œil aux croquis de femmes du monde de ce casablancais de naissance qu’est Titouan Lamazou, ou aux aventures de Corto Maltese.
Dans ces quêtes du Graal imagées aux couleurs chaudes, on voyage et on se perd comme autant de Petit Poucet, aussi poétiquement que dans toutes les grandes vadrouilles filmées du monde :)
Titouan Lamazou

vendredi 11 avril 2008

Ventura sur lit d'asperges



Quand on est pudique, on est pudique !
Lino Ventura, sous ses airs de macho italien impassible, joue ici une scène d’amour avec Mireille Darc. La filiforme et longiline Mireille Darc, d'où son surnom de l'époque de Grande Asperge. Celle qui a joué une scène d’anthologie dans le grand blond avec une chaussure noire, où la naissance de ses cambrures apparaissait au bas d’une somptueuse robe noire au dos nu très profond, n’est ici non plus pas des plus farouches.
Des poses à la Angélique marquise des Anges (sur l'indispensable lit à baladaquin), sauf que le Geoffrey de circonstance ne quitte pas son smoking d’un iota. Pas un bout de peau qui dépasse.
Sacré Lino !

Les dialogues (du Audiard, forcèment) sont également e-xce-llent !« Moi je faisais des pâtés au Luxembourg, moi au parc Montsouris. Ils n’ vont quand même pas remonter jusqu’au biberon, non !? » râle Blier.
Du p'tit lait pour tout amateur/trice de cette clique des monstres sacrées du cinéma hexagonal.
God bless Youtube !

lundi 7 avril 2008

Qui de l’œuf ou de la poule ? (« corriger une justice à la main lourde » dixit Ali Amar)


Brève sur le mode interrogatif.

Le prisonnier des 3 rois, Mohammed Bougrine a été libéré de ses « engagements » envers le système carcéral marocain, le 4 Avril dernier.
Pas de poisson d’Avril tardif à incriminer, la nouvelle ayant déjà été largement médiatisée.
Que cela soit fait par grâce royale et non par voie judiciaire normale est un débat à part entière, que je ne veux pas aborder ici bas.
Ce qui m'interpelle, c’est l’éditorial du Journal Hebdo de la semaine, demandant justement, en toutes lettres, la libération du sieur en question, sachant que la veille de la sortie du Journal en kiosque, la libération avait déjà été annoncée en grande pompe.

D’où un grattage intensif de cuir chevelu accompagné d’un haussement de sourcils.
Est-ce un petit couac au niveau du timing ou est-ce que l'information a sciemment été rendu obsolète, en avançant la date de l'annonce de la libération de Bougrine, ainsi que celle de 16 autres détenus ? Ce serait avouer que les parutions de la presse dite d'opposition ont plus de poids qu'on ne voudrait l'admettre. Autre solution possible ... les polars déteignent sur mon imagination fructueuse :)

ARB, dans son édito Telquelien a, quant à lui, préféré aborder la polémique du court-métrage Fitna.
En décrivant les passages de ce chef d’œuvre d’humanisme et de compréhension de l’autre, il m’a ainsi très gentiment évité d’avoir à y jeter un coup d’œil. Chose dont je ne me sentais pas, non plus, des plus capables vu que, ces derniers temps, les scènes de décapitation en live ne me branchent pas plus que cela (je résume beaucoup).
Geert Wilders semble se prendre pour Dario Argento (réalisateur de films d’horreur de série Z) et un Michael Moore version bêtement raciste.

Encore une fois, qui de l’œuf ou de la poule ? Le vent d’anti-islam primaire qui souffle sur la vieille Europe est-il une conséquence ou l’origine d’œuvres ciné majeures telles que Fitna, ou d’œuvres picturales tout aussi obscènes sur les tombes du carré musulman du cimetière militaire de Notre-Dame-de-Lorette.

L’œuf ou la poule, après tout, cela n’a aucune importance. Au chapitre des droits de l’homme, quelque définition que l’on puisse leur donner, il y aura malheureusement toujours matière à noircir la page blanche.