mercredi 21 février 2007

Arabs : Usual suspects

Casting the enemy (part 1)

Planet of the arabs

A quelques jours des Oscars, et Indigènes étant nominé dans la catégorie du meilleur film étranger, je me suis interrogée sur la présence arabe et musulmane en terre hollywoodienne.
Le dernier film arabe à avoir été nominé dans la même catégorie était Paradise Now, qui après avoir gagné le Golden Globe du meilleur film étranger (préambule aux Oscars), a vu toute une polémique entourer sa nomination aux statuettes, à coup de pétitions israéliennes et de pressions des représentations juives aux US (Consul, lobby).
Le tout aussi palestinien Intervention divine, gagnant du prix du jury 2002 à Cannes, s’était, quant à lui, carrément vu refuser l’accès aux nominations sous prétexte que la Palestine n’était pas un état souverain en tant que tel.

Pour les besoins de ce post, je me suis plongée dans plusieurs articles sur la question, le sujet ayant été abordé en long en large et en travers.
Toutefois, en démêlant cette touffe d’informations, il en ressort un livre écrit par Jack Chahine, Reel bad Arabs, d’où l’on apprend surtout que sur près de 1000 films américains (de 1896 à 2000) avec des personnages arabes ou musulmans, 12 étaient des portraits positifs, 52 étaient balancés et les quelques 900 autres étaient négatifs. Tout cela avant le 11 Septembre 2001. Donc bien avant cet événement, les arabes étaient déjà l’un des groupes ethniques les plus démonisé.
Je pourrais presque en rester là pour ce post étant donné que presque tout est dit !

Toutefois, après ce premier constat, j’ai décidé de faire un auto-brainstorming et voir quels étaient les noms ou idées qui me venaient spontanément à l’esprit, et ça a donné :

Omar Sharif
Rôles de terroristes / émirs du pétrole / Aladin, Ali Baba
Jamais sans ma fille (que de dégâts dans l’inconscient occidental !)
Les rois du désert, Syriana, Paradise now
Tony Shalhoub (Monk)
Anthony Quinn dans le Message, et dans Omar El Mokhtar


Et en visionnant les vidéos ci-dessus, je me suis rendu compte que, tout en ayant saisi l’essentiel, je passais à côté de beaucoup de petites répliques assassines n’ayant pour but que de lobotomiser tout un peuple, qui d’ailleurs ne voit pas plus loin que le bout de son CNN.
Tous les l’Enfer du devoir (commis par Samuel L. Jackson et Tommy Lee Jones), True lies, un autre film non-identifié avec Chuck Norris, les séries Law & order (« And what’s the other one ? » El shouhada…. « Yes, that’s it (ton méprisant), the prayer you make before you give your life to Allah ») le Jag (« You were born in the US ! What happened to you ? » I learnt to love Allah), Retour vers le futur avec une attaque surprise de Lybiens (et si l’on tend bien l’oreille on entend même un pas très libyen « wa zreb aaliiih »), et d’autres extraits que je n’ai pas réussi à identifier, sont autant de briques pour bâtir le mur de la séparation et labourer un peu plus ce champs de navets très prolifique.
Et je rajouterais également GI Jane (encore les lybiens), Piège de Cristal, les séries 24, NCIS ou Alias qui sont autant d’outils de propagande américaine, pointant du doigt le fléau arabe face à des institutions américaines à qui on ne la fait pas….et on est encore loin des 900 !

Je ne rajoute rien au schmilblick en précisant que suite à la chute du bloc communiste, le monde arabo-musulman est devenu officiellement le nouvel axe du mal. On est passé des westerns où John Wayne joue du colt sur des cibles indiennes, à la 2nde guerre mondiale avec sa cohorte de film anti allemands et japonais, aux russes et à la menace nucléaire, suivis du « péril jaune » dû à la guerre du Vietnam et à l’émergence de la puissance économique chinoise, pour finir par un magma terroriste où aucun pays arabe ou musulman n’est réellement nommé mais où tout le monde se sent visé (Palestine, Iran, Afghanistan, pays du Golfe non identifié….).
On a échangé une guerre froide contre une guerre explosive, et Hollywood se fait le reflet des clichés les plus cheap en la matière. C’est « Le cinéma de sécurité national » dixit Jean-Michel Valentin dans son livre Hollywood, le Pentagone et Washington : les 3 acteurs d’une stratégie globale. Victimes de la propagande politico-militaire américaine et de ses ramifications à Hollywood, l’Orient arabe est jugé trop menaçant dans sa différence, trop primitif, dorénavant trop 11 Septembre, trop l’Autre.
La nouvelle Rome a décrété que tout ce qui n’était pas romain était barbare, et elle compte bien camper sur ses positions. Vous êtes avec nous ou contre nous. La France, aimez la ou quittez là ! (un petit raccourci vite fait bien fait !)
De ce fait, les acteurs arabes en terre hollywoodienne ne sont pas dans une position des plus confortables. Leur nombre réduit, la situation géopolitique et le focus sur le terrorisme arabe sont un triptyque qui joue en leur défaveur.
L’équation caricaturale arabes/musulmans = terroristes + enturbannés à dos de chameaux résume à elle seule l’étendue du carcan dans lequel ils sont emprisonnés.
Omar Sharif est un cas d’école. Réussir à jouer un arabe relativement positif (le prince Ali dans Lawrence d’Arabie), un russe (Docteur Jivago), un new-yorkais du début du 20ème siècle en amoureux de Barbara Streisand (Funny girl) et autres exemples de digressions au rôle du méchant arabe de service ne sont pas légions.

Il y a bien un discret Tony Shalhoub, qui joue un enquêteur un peu toqué mais bien américain dans la série Monk, ou un Naveen Andrews, anglo-indou, qui joue Saïd, un ex-soldat irakien dans la série Lost. Le grand écran sait également parfois tempérer avec un Saïd Taghmaoui dans les Rois du désert, un Kingdom of Heaven qui m’a beaucoup fait pensé aux Croisades vues par les Arabes de l’écrivain Amine Maalouf, un Syriana et son personnage du prince Nasir ou enfin un Crash, qui décortique très bien les petits racismes et préjugés de chacun (un flic anti-blacks pas si raciste que ça, un iranien parano qui voit partout du racisme, un latino qui aime la country music…). Quelques timides tentatives où le côté « positif » des arabes n’est pas forcément le postulat de départ mais plutôt un « dommage collatéral » de la trame du film.


QUIZ
1) Quel est l’équivalent américain du terme "bougnoule" ?

2) Quel film est le symbole de la rupture entre le cinéma et Washington, sur la guerre du Vietnam ?

3) Quel est celui qui a relancé le genre ?

4) TOW = ?

Réponses

1) Sand Nigger
2) Apocalypse now (1979)
3) Rambo (1982)
4) Terrorist Of the Week

3 commentaires:

Brilliant Brain a dit…

Très bon article.
Remarques sur le Quizz:
1. Ayant fréquenté souvent les jeux en ligne, souvent avec des états-uniens, je me suis apperçu que les insultes les plus fréquentes restent: "Nigger" et "Jew". Petite variante reservée aux nouveaux enemis publiques No1: fuckin A, à interpréter librement comme "fuckin arab" ou "fuckin asshole"; problablement synonymes dans l'imaginaire collectif US post-11/9.
Questions 2 et 3, à noter que "Apocalypse Now" est sorti durant un mandat présidentiel démocrate, et "Rambo" en pleine ère Reagan. Comme quoi... Il semble habituel en Amérique du Nord que les médias et l'industrie du divertissement prennent le relai du gouvernement en place. À ce propos, Washington dispose d'un bureau à Hollywood, créé à l'occasion de la Guerre en Irak, accordant subventions, aides et encouragements aux productions jugées patriotiques et pro-guerre.
4. TOW c'est le nom d'un missile américain monté sur les tristement légendaires 4x4 Hummer. Spécialités: brochettes de civils carbonisés saupoudré d'os résiduels, ou fondant de char nappés de chair en lambeaux.
Digression: Que désignent les initiales DU?
Rép.: Depleted Uranium. Longtemps pendant la 2e Guerre Mondiale les deux camps essayèrent en vain de produire des balles d'un calibre propre à prénetrer l'armure d'un char. En 1991, 1re Guerre du Golfe, ce fût fait, les chars légers américains sont chargés de projectiles munis de flèches en uranium appauvri qui pulvérisent la tôle du blindage. Conséquences: résidus radioactifs indestructibles sur les champs de bataille, je cite: "L'uranium appauvri est le cheval de Troie de la guerre nucléaire : il continue d'irradier et de tuer après les combats. Il est impossible de s'en débarrasser. Il continue de se désintégrer au cours de plus de 20 étapes en d'autres isotopes radioactifs (Wikipédia)."
Tous les canons légers de tous les véhicules terrestres et aériens en sont équipés. je me demande bien le genre de dégâts que ça peut faire sur un être humain quand on sait que ça traverse un blindage comme un couteau le beurre. Sans parler des bombes incendiaires...
Et aujourd'hui il faut à tout prix empêcher l'Iran de se munir atomiquement? Respect!

Couscous Poulette a dit…

Merci pour ton "très bon article" que j'estime correspondre à un bon A+ ! (mon côté scolaire qui date quand même un peu) :)
Pour ta remarque sur Apocalypse now, c'est très juste ! J'avais zappé ce lien de cause à effet. Quant à la vidéo "Arabs like U've never seen them before...", on remarque quand même que ça reste pas mal dans les 70s hein, les temps on changé ! Mais bon, pour les besoins de la cause du post, je l'ai mise. Une bonne ptite couche de subjectivité !

Anonyme a dit…

Rien à ajouter, il est super ton billet, poulette ;)